Le coréen

Depuis un ou deux ans, je m’intéresse (de manière pas très intensive) au coréen. C’est une langue absolument fascinante, très différente du français. Voyons donc ce qu’elle a de si intéressant.

Classification

Non, le coréen n’a rien à voir avec le chinois, ni (jusqu’à preuve du contraire) avec le japonais et encore moins le mongol ou le turc.

Le coréen appartient à la famille des langues coréaniques, qui comporte le coréen, le jeju (la langue menacée de l’île du même nom en Corée du Sud, parfois classée comme un dialecte du coréen) et diverses langues plus ou moins bien attestées autrefois parlées dans la péninsule de Corée. Bref, en pratique, le coréen est un isolat – une langue qui n’a pas de parents connus.

Néanmoins, quand on s’intéresse au japonais et au coréen, il y a des ressemblances évidentes dans la grammaire. Si j’ai bien compris, les linguistes les attribuent à des millénaires d’influences mutuelles plutôt qu’à une origine commune : il n’y a en effet aucun vocabulaire en commun (sauf bien sûr les très nombreux mots que les deux langues ont empruntés au chinois).

Écriture et prononciation

Écoutez un peu de coréen pour entendre à quoi ça ressemble.

L’alphabet

Les caractères chinois ont été utilisés pour écrire le coréen, mais sont plutôt inadaptés parce que ces deux langues sont très différentes. Ils sont encore parfois utilisés aujourd’hui, mais je ne vais pas en parler parce que leur usage est très limité. Je vais me concentrer sur l’écriture actuelle.

Le coréen a donc une écriture très particulière : le hangeul (한글). C’est un alphabet qui a été créé au xve siècle par le roi Sejong le Grand (세종대왕). L’alphabet actuel est un peu plus simple que celui de Sejong parce que plusieurs sons ont disparu de la langue depuis.

Une rue de Séoul avec des enseignes en hangeul.

L’originalité de l’alphabet, c’est que les lettres sont placées dans des blocs carrés par syllabe.

Illustration du fonctionnement de l’alphabet (source : Wikimedia Commons)

Les voyelles sont représentées par des lignes horizontales ou verticales avec ou sans petits traits, les consonnes par des formes diverses. Il y a 14 consonnes de base et 10 voyelles de base.

Les sons qui posent problème

Certains sons, en particulier des consonnes, peuvent être difficiles à prononcer et à reconnaître.

Dans la plupart des dialectes, et notamment à Séoul, il n’existe plus de différence de prononciation entre ㅔ (e) et ㅐ (ae). Il y a deux sons qui ressemblent à « o » : ㅗ (o) et ㅓ (eo, plus ouvert). Mais le o est particulièrement fermé et on peut aussi le confondre avec ㅜ (u).

Pour les consonnes, c’est plus compliqué. Il y a trois séries de consonnes qui peuvent être difficiles à distinguer :

SimpleAspiréDouble
ᄇ (b)ᄑ (p)ᄈ (pp)
ᄃ (d)ᄐ (t)ᄄ (tt)
ᄀ (g)ᄏ (k)ᄁ (kk)
ᄉ (s)ᄊ (ss)
ᄌ (j)ᄎ (ch)ᄍ (jj)

Il n’y a pas vraiment de distinction entre b et p comme en français. À la place, il y a une distinction entre trois types de consonnes :

  • les consonnes simples sont prononcées sourdes en début de mot, sonores entre deux voyelles ;
  • les consonnes aspirées sont aspirées, comme le nom l’indique ;
  • et les consonnes doubles sont « renforcées », quoi que ça veuille dire.

En tout cas c’est comme ça que c’est enseigné. Mais la réalité semble un peu différente :

  • les consonnes doubles ressemblent aux consonnes sourdes du français (dans le cas de ss, il a l’air aussi plus long) ;
  • les consonnes simples sont en réalité aspirées en début de mot ;
  • les consonnes aspirées sont aspirées aussi, mais la voyelle qui suit est prononcée avec un ton plus élevé.

Le coréen était une langue tonale à l’époque de Sejong (il y avait même des points pour indiquer les tons à l’écrit). Les tons ont disparu depuis, mais il semble donc qu’on assiste à l’apparition de nouveaux tons (en tout cas à Séoul).

Les consonnes coréennes ne sont pas relâchées en fin de mot, contrairement au français. Dites un mot français comme « nappe » : normalement, vous rouvrez légèrement les lèvres pour finir de prononcer le [p]. En coréen, il ne faut pas les rouvrir.

Le coréen distingue beaucoup moins de consonnes en fin de syllabe qu’au début : toutes les variantes de t, s, j et h se prononcent [t] en fin de syllabe. Certains mots étrangers qui se terminent par -t s’écrivent avec un -s en coréen, comme par exemple 인터넷 (in-teo-nes, Internet).

Difficultés orthographiques

Conséquence de ce fait : si on entend un mot qui se termine par [t], il peut y avoir plein de manières de l’écrire. Mais ce n’est pas tout : il y a beaucoup d’interactions entre les consonnes. Par exemple :

  • 역사 (« histoire »), écrit yeog-sa et prononcé yeokssa (les consonnes simples se renforcent quand il y a une autre consonne avant).
  • 한국말 (« langue coréenne »), écrit han-gug-mal et prononcé hangungmal : le -g devient nasal quand il y a un m ou un n après.
  • 원룸 (« studio », de l’anglais one room), écrit won-rum et prononcé wonnum : r devient n après quasiment toutes les consonnes.
  • 삶 (« vie »), écrit salm et prononcé sam parce qu’une syllabe coréenne ne peut jamais se terminer par plus d’une consonne. Par contre, le l est bien prononcé si on ajoute une particule au mot, par exemple la particule du sujet : 삶이 (salmi).
  • 어떻게 (« comment »), écrit eo-tteoh-ge et prononcé eotteoke, parce que h + consonne simple = consonne aspirée.

Il y a aussi d’autres bizarreries : par exemple, 뉴스 (« news ») est écrit nyu-seu et prononcé nyusseu, parce qu’apparemment le coréen n’aime pas utiliser les doubles consonnes (à l’écrit) dans les mots d’origine étrangère (autre que chinoise).

On entend parfois que l’écriture coréenne est la « plus scientifique », ce qui n’a pas beaucoup de sens, mais une chose est sûre, elle n’est pas super simple, même si très bien conçue. Apprendre l’alphabet lui-même n’est pas très difficile, mais l’orthographe est complexe. Elle représente bien la structure de la langue, mais il y a aussi des irrégularités.

Problèmes de transcription

Une difficulté posée par la phonologie complexe du coréen, c’est qu’il n’y a pas de bonne transcription en alphabet latin : on peut représenter l’orthographe, on peut représenter la prononciation, mais il est difficile de trouver un bon compromis. Dans cet article j’utilise plus ou moins la romanisation révisée du coréen, officielle en Corée du Sud.

Mais le problème, c’est que les noms propres sont très souvent transcrits d’une manière assez bizarre inspirée de l’orthographe anglaise et sans règles précise, surtout en ce qui concerne les voyelles. Vous connaissez le nom de famille Park ? En coréen il s’écrit 박 Bak. Le R n’a rien à faire là, sauf qu’en anglais britannique, park est une assez bonne approximation de la prononciation. Samsung ? Un U dans un mot étranger, on va prononcer sa « soung ». Raté, il aurait fallu prononcer ça « song », parce qu’en coréen c’est 삼성 (Samseong). Hyundai ? Non, ça ne se prononce pas comme ça, en vrai c’est 현대 (Hyeondae). Le nom de famille Lee, aussi écrit Li, Yi ou même Rhee ? C’est simplement 이 (I).

Bref, si vous apprenez le coréen, commencez par l’alphabet et laissez tomber les transcriptions le plus vite possible.

Vocabulaire

Le coréen a subi une énorme influence du chinois : les caractères chinois ont été utilisés pour écrire le coréen, et une bonne partie de son vocabulaire est d’origine chinoise. Les éléments chinois semblent utilisés surtout dans les mots composés, mais pas seulement. Par exemple, « métro » se dit 지하철 (jihacheol), littéralement « terre », « sous » et « fer », même si aucun de ces mots pris isolément ne se dit comme ça en coréen. Connaître le chinois, ou même se renseigner sur la signification des syllabes des mots, peut donc faciliter l’apprentissage du vocabulaire, même si la prononciation est souvent très différente en mandarin moderne (« métro », écrit 地下铁, se prononce dìxiàtiě).

Dans bien des cas, on a le choix entre un mot coréen et un synonyme sino-coréen (d’origine chinoise) : « Français » peut se dire indifféremment 프랑스 (peurangseuin) ou 프랑스 사람 (peurangseu saram), où saram est le mot coréen pour « personne ».

Pour quelqu’un qui connaît le japonais, autre langue qui a abondamment emprunté au chinois, les ressemblances dans le vocabulaire sont évidentes : 선생 (seonsaeng, « professeur ») a clairement un lien avec 先生 (sensei).

36 ans d’occupation japonaise ont d’ailleurs laissé beaucoup de mots japonais en coréen. Si j’en crois ce mec sur Twitter, les Coréens ont fait un effort pour se débarrasser des mots japonais après 1945. Mais beaucoup de mots sont restés parce qu’il s’agissait d’emprunts orthographiques : des mots écrits en kanji (caractères chinois utilisés en japonais) puis prononcés comme s’ils étaient coréens, et donc perçus comme sino-coréens alors qu’ils étaient en réalité passés par le japonais. C’est le cas par exemple du mot pour « hôpital », prononcé byōin en japonais et écrit 病院, et emprunté par le coréen sous la forme 병원 (byeongwon).

Et bien sûr, de nos jours, la source n° 1 de mots étrangers en coréen est l’anglais, au hasard 컴퓨터 (kompyuteo, « ordinateur ») ou 아이스크림 (aiseukeurim, « glace »). Évidemment, en Corée du Nord, il y a beaucoup moins de mots anglais ; le vocabulaire semble d’ailleurs être la principale différence entre les deux Corées, dont la langue a commencé à diverger depuis leur séparation.

C’est assez difficile de trouver des informations détaillées sur le coréen du Nord, mais dans l’ensemble, les différences ne semblent pas insurmontables (surtout des détails dans l’orthographe et la prononciation, et bien sûr le vocabulaire). Leurs standards sont basés sur les dialectes respectivement de Séoul et Pyongyang, qui appartiennent tous les deux au même groupe de dialectes, dont ils ne sont pas si différents à la base.

Grammaire

J’avoue n’avoir qu’une idée très incomplète de la grammaire du coréen, tant elle est différente de la nôtre, mais je vais essayer de présenter les principales caractéristiques (en espérant ne pas me tromper). Le plus exotique pour nous est sans doute le degré auquel la politesse et le respect sont enracinés dans la grammaire.

Syntaxe et particules

La chose la plus importante à retenir : le verbe est à la fin de la phrase. Toujours.

Le coréen utilise beaucoup de particules, des sortes de terminaisons ajoutées aux groupes nominaux pour indiquer leur rôle dans la phrase :

저는 항상 저녁에 음식을 먹어요.
Jeoneun hangsang jeonyeoge eumsikeul meogeoyo.
Je-thème toujours soir-dans nourriture-objet mange.
Je mange toujours de la nourriture le soir.

On a ici la particule 는 (neun) qui indique le thème de la phrase, 에 (e) qui peut indiquer pas mal de chose, mais en général un complément de lieu ou de temps, et 을 (eul) qui indique l’objet direct.

Il y en a plein d’autres, par exemple 도 (do, « aussi »), 만 (man, « seulement ») ou encore 에게 (ege, « à » (objet indirect)). Les plus difficiles à maîtriser sont 은/는 (eun/neun) et 이/가 (i/ga), qui indiquent respectivement le thème et le sujet, qui ne sont pas forcément la même chose en coréen. (Elles ont deux formes en fonction de si le mot auquel on les ajoute se termine par une consonne ou une voyelle. Ça arrive souvent avec les particules ou les terminaisons en coréen.)

Certaines des particules (pour le sujet, le thème ou l’objet direct notamment) semblent facultatives, notamment dans les phrases simples en langage familier.

Verbes et politesse

Les verbes se conjuguent. Ils ne varient pas selon la personne, mais selon le temps, la politesse et diverses autres nuances. La politesse est tellement essentielle dans la culture coréenne qu’elle est reflétée dans la conjugaison. Ainsi, les verbes changent selon le niveau de politesse qu’on veut exprimer envers la personne à qui on s’adresse.

Vous avez parfois du mal à choisir entre tutoiement et vouvoiement ? En coréen, vous avez sept niveaux de politesse. Bon, trois d’entre eux semblent rares aujourd’hui, mais on ne peut pas se passer des quatre autres. Prenons par exemple le verbe « manger » (먹다, meokda)1, et voyons comment on peut l’utiliser au présent.

  • 먹습니다 (meokseumnida) : c’est le niveau de politesse le plus élevé. Il est généralement utilisé avec les inconnus (surtout quand ils ont l’air plus âgés), avec les clients, avec les supérieurs au travail, dans les annonces publiques, etc. Si vous entendez du coréen et que vous vous dites qu’il y a beaucoup de mots qui se terminent par « nida », c’est pour ça.
  • 먹어요 (meogeoyo) : c’est une forme polie, utilisable avec les inconnus (dans une situation pas trop formelle) ou entre collègues. Les phrases d’exemple dans les manuels ou guides de conversation sont souvent données dans ce style.
  • 먹어 (meogeo) : c’est un niveau de langue informel qu’on peut utiliser avec ses potes, sa famille et les enfants.
  • 먹는다 (meongneunda) : style appelé « formel et impoli », ce que je ne comprends pas trop parce que ça me semble contradictoire. On peut l’utiliser avec ses amis proches, et il est aussi utilisé dans les écrits impersonnels (narration dans un roman, Wikipédia…).

Normalement, on conjugue seulement le dernier verbe de la phrase. Pour les autres, il y a tout un cas de terminaisons indiquant des choses comme « et », « mais », « bien que », « parce que », etc.

가게에 갔는데 빵은 없었어요
Gagee ganneunde ppangeun eopseosseoyo.
Magasin-à allé-mais pain n’existait-pas.
Je suis allé au magasin mais il n’avait pas de pain.

Ici, on voit bien que seul le dernier verbe (없다 eopda : « ne pas y avoir, ne pas exister ») est conjugué. Le suffixe -neunde a un sens assez compliqué à saisir, puisque selon les phrases on peut aussi le traduire par « alors » ou rien du tout. En fait, il veut dire en gros « contexte important pour comprendre l’explication/suggestion/question qui suit ».

Notez au passage qu’il n’y a aucun « je » dans cette phrase : le sujet est facultatif, en général on le comprend avec le contexte.

Le coréen n’a pas de pronoms relatifs comme en français. Là aussi, on utilise des terminaisons. Par exemple, à partir de 읽다 (ikda, « lire »), on peut former 읽 책 (ingneun chaek) : « le livre que je/tu/… lis ». Dans les phrases plus longues, on se retrouve alors avec un ordre des mots très différent du français :

엄마가 요리하 음식은 항상 맛있어요.
Eommaga yorihaneun eumsigeun hangsang masisseoyo.
Mère-sujet cuisine-que nourriture-thème toujours délicieux.
La nourriture que ma mère cuisine est toujours délicieuse.

Je vous laisse imaginer ce que ça peut donner dans des phrases encore plus longues.

Au fait, oui, « délicieux » est un verbe en coréen. Parce que le coréen n’a pas vraiment d’adjectifs : ce sont aussi des verbes. Il y a en fait deux types de verbes : les verbes d’action et les verbes d’état, ces derniers correspondant à peu près à nos adjectifs, et les différences entre les deux sont peu nombreuses.

Pour pouvoir utiliser les adjectifs comme épithètes, il faut aussi utiliser une terminaison similaire selon la même logique que pour ce qu’on traduit en français par des pronoms relatifs : 크다 (keuda, « grand »), doit être utilisé avec un -n à la fin du radical pour être mis devant un nom, par exemple 큰 문제 (keun munje, « gros problème »).

Encore une chose intéressante : les verbes peuvent se combiner pour former des sens précis. Par exemple, les verbes pour « monter », « descendre », « entrer », etc. sont rarement utilisés sans être combinés à « aller » ou « venir ». Le verbe 보다 (boda, « voir ») peut être ajouté un à verbe pour donner le sens d’« essayer ». C’est assez logique quand on y pense : 먹어보다 (meogeoboda, « essayer de manger », donc « goûter ») est littéralement « manger et voir (ce qui se passe, si ça me plaît) ». Et 주다 (juda, « donner ») est ajouté aux verbes pour exprimer que l’action est faite au bénéfice de quelqu’un.

Un dernier truc : il y a une manière très simple de créer des verbes en coréen. De très nombreux verbes sont composés d’un nom et de 하다 (hada, « faire ») : 초대하다 (chodaehada, « inviter »), 사랑하다 (saranghada, « aimer »), 청소하다 (cheongsohada, « faire le ménage »), 피곤하다 (pigonhada, « être fatigué »)…

Termes honorifiques

La terminaison des verbes permet d’exprimer la politesse envers l’interlocuteur. Mais le coréen a aussi un système élaboré pour exprimer le respect envers la personne dont on parle. Ainsi, si je parle d’une personne particulièrement respectable en raison de sa position sociale par rapport à la mienne (mon père, mon prof, mon patron, ta grand-mère…), je dois utiliser un vocabulaire différent pour certains mots, même si je suis en train de parler avec mon meilleur pote :

Mot courantMot honorifiqueSens
집 (jip)댁 (daek)maison
이름 (ireum)성함 (seongham)nom
생일 (saeng’il)생신 (saengsin)anniversaire
어머니 (eomeoni)어머님 (eomeonim)mère
아버지 (abeoji)아버님 (abeonim)père

Il y a des mots différents pour tous les membres de la famille, selon qu’on parle de sa propre famille ou de celle de quelqu’un d’autre. Le suffixe 님 (nim) dans la forme honorifique peut s’ajouter à pas mal de titre pour s’adresser respectueusement à quelqu’un : 선생님 (seonsaengnim, « monsieur le professeur », on va y revenir).

Mais ce n’est pas tout : les verbes changent aussi si l’action est faite par quelqu’un qu’on veut respecter. Pour la plupart des verbes, on utilise le suffixe si : 하시다 (hada, « faire ») devient 하시다 (hasida). Mais certains verbes ont une forme supplétive : 먹다 (meokda, « manger ») devient 드시다 (deusida), 있다 (itda, « être (quelque part), exister, y avoir ») est remplacé par 계시다 (gyesida) qui veut aussi dire « rester ». Et 주다 (juda, « donner ») prend le suffixe si (주시다, jusida) quand c’est un personne respectable qui donne, mais devient 드리다 (deurida) quand c’est moi qui donne à une personne respectable.

Bon, un petit exemple parce que c’est peut-être un peu abstrait :

아들습니다.
Adeuri an wasseumnida.
Mon fils n’est pas venu.

할아버지께서오셨습니다.
Harabeojikkeseo an osyeosseumnida.
Mon grand-père n’est pas venu.

Dans le premier cas, mon fils n’est pas au-dessus de moi dans la hiérarchie sociale, alors je peux utiliser des mots normaux. Dans le deuxième, mon grand-père est particulièrement respectable, alors je remplace la particule du sujet 이 (i) par 께서 (kkeseo) et j’ajoute le suffixe si au verbe 오다 (oda, « venir »), même si en l’occurrence plusieurs processus phonologiques et orthographiques le rendent peu reconnaissable quand on n’a pas l’habitude. Par contre, c’est quand même mon grand-père ; si c’était celui de quelqu’un d’autre, je dirais 할아버님 (harabeonim) à la place.

On n’utilise pas nécessairement toutes les formes honorifiques en fonction de qui on parle, et j’imagine que savoir bien jongler avec les niveaux de politesse et de respect est l’une des principales difficultés du coréen.

Quand on utilise un niveau de langue poli, la forme honorifique du verbe est quasiment obligatoire à l’impératif, peu importe à qui on s’adresse. Pour le verbe « faire », 해요 (haeyo) peut en théorie être utilisé à l’impératif, mais dans la majorité des cas on entendra 하세요 (haseyo).

Comment dire « je » et « tu » ?

Dans la plupart des langues, la liste des pronoms personnels fait partie des choses les plus élémentaires. En coréen, c’est plus compliqué.

Pour se désigner soi-même ou son interlocuteur, quand c’est possible, on n’utilise rien du tout. C’est souvent clair avec le contexte, ou avec d’autres éléments de la phrase (par exemple, on ne peut pas utiliser les termes honorifiques en parlant de soi-même).

Pour désigner son interlocuteur, au lieu d’un mot comme « vous », on utilise le plus souvent un titre, selon la situation, éventuellement précédé du nom de famille dans les situations les plus formelles : 선생님 (seonsaengnim, « professeur »), 손님 (sonnim, « client »), 이사님 (isanim, « directeur ») – utiliser ces titres sans le suffixe 님 (nim) ne serait apparemment pas très poli.

En dehors des situations professionnelles, il y a des mots comme 아주머니 (ajumeoni) pour les femmes de plus de 40 ans ou 형 (hyeong, « grand-frère d’un homme »), qui est aussi utilisable dans un contexte informel pour s’adresser à un homme un peu plus âgé qui n’est pas son frère. Avec les personnes que l’on connaît un peu mieux, on peut aussi utiliser le prénom suivi du mot 씨 (ssi).

Il existe aussi quelques vrais pronoms : 너 (neo), à utiliser avec les gens d’un statut social égal ou inférieur et uniquement dans les registres familiers, et 당신 (dangsin). Celui-ci est assez bizarre : littéralement c’est quelque chose comme « ledit corps » et il est utilisé par les couples mariés, quand « vous » ne fait pas référence à une personne en particulier (par exemple dans l’affichage public), et dans les autres cas appeler quelqu’un 당신 est insultant.

Pour « je », il y a deux pronoms courants : 저 (jeo), poli, et 나 (na), à réserver aux registres familiers. Mais on peut aussi s’appeler soi-même par sa relation par rapport à son interlocuteur : un enseignant peut s’appeler 선생 (seonsaeng, « professeur ») en parlant à ses élèves, et une fille qui parle à sa petite sœur peut s’appeler elle-même 언니 (eonni, « grande sœur d’une femme »).

Numéraux

Compter en coréen, c’est compliqué. Principalement parce qu’il y a deux manières de compter : avec les nombres coréens et les nombres sino-coréens (empruntés au chinois).

CoréenSino-coréen
1하나 (hana)일 (il)
2둘 (tul)이 (i)
3셋 (set)삼 (sam)
4넷 (net)사 (sa)
5다섯 (daseot)오 (o)
6여섯 (yeoseot)육 (yuk)
7일곱 (ilgop)칠 (chil)
8여덟 (yeodeol)팔 (pal)
9아홉 (ahop)구 (gu)
10열 (yeol)십 (sip)

Pour les dizaines, avec le système sino-coréen c’est facile, il suffit de combiner les unités avec le mot pour dix : 54 est 오십사 (osipsa, 5-10-4). Avec les nombres coréens c’est un peu plus compliqué, il y a des mots à part entière pour toutes les dizaines. À partir de cent, les numéraux coréens purs sont archaïques et on n’utilise plus que le sino-coréen.

Bon, tout ça c’est très bien, mais pourquoi il y a deux systèmes ? Et lequel il faut utiliser quand on veut compter ? Pourquoi, je ne sais pas, mais lequel il faut utiliser : ça dépend de ce qu’on compte. Les numéraux coréens pour l’âge, les personnes, les animaux ; les numéraux sino-coréens pour l’argent et les jours. Et quand on donne l’heure, les heures sont en coréen et les minutes en sino-coréen.

Le coréen, comme beaucoup de langues de l’Asie de l’Est, a des classificateurs : on ne peut pas dire simplement « deux chiens », il faut utiliser un mot spécial pour relier « chiens » au numéral, en l’occurrence 마리 (mari) qui est en quelque sorte une unité de mesure pour compter les animaux et qui a d’ailleurs la même origine que 머리 (meori, tête), un peu comme « tête de bétail » en français. Bref, « deux chiens » se dit 개 두 마리 (gae du mari), « chien deux [classificateur] ».

Il y a plein de classificateurs : 권 (gwon) pour les livres, 장 (jang) pour les feuilles, pages, billets, etc., 명 (myeong) pour les gens, 대 (dae) pour les machines, 개 (gae) quand on ne sait pas trop quel classificateur utiliser. Toutes les unités de mesure (kilogrammes, mètres, années, tasses) sont aussi des classificateurs. Et bien sûr, il faut savoir quel classificateur préfère quel type de numéraux.

Les nombres plus grands sont aussi intéressants : 백 (baek, 100), 천 (cheon, 1 000), 만 (man, 10 000). Ensuite, il faut multiplier dix mille par dix : 십만 (simman, 100 000), puis cent : 백만 (baengman, 1 000 000) et mille : 천만 (cheonman, 10 000 000). Ensuite on a un nouveau mot : 억 (eok, 100 000 000), et ainsi de suite. Bref, alors qu’en Occident on découpe les grands nombres en groupes de trois chiffres, en Corée on les regroupe par quatre. Ce n’est pas plus ni moins logique, mais c’est différent et il faut s’y adapter. Et on peut difficilement y couper : la monnaie coréenne ne valant rien (1 000 wons valent 0,70 €), on se retrouve rapidement à devoir parler en centaines de milliers de wons.

Pourquoi apprendre le coréen ?

Évidemment : la K-pop et les séries coréennes. J’en ai regardé quelques unes, c’était assez sympa (j’ai beaucoup aimé 사랑의 불시착 / Crash Landing on You alors que je ne suis pas du tout fan de comédies romantiques).

Je ne suis pas non plus un grand fan de K-pop mais il y a des choses pas mal du tout.

Mais il n’y a pas que ça, bien sûr. Je trouve que c’est l’une des langues les plus difficiles parmi celles auxquelles je me suis intéressé (avec le géorgien, qui est aussi difficile mais dans un style très différent). J’ai d’ailleurs peu d’espoir de le parler un jour (il faudrait que je m’y mette beaucoup plus intensivement). Mais, j’espère vous en avoir convaincu, le coréen est une langue tout à fait fascinante parce qu’elle est extrêmement différente de la nôtre.

Et bien sûr, cette langue ouvre la porte de la culture coréenne et de la Corée du Sud (pas trop de la Corée du Nord, mais ça c’est une autre histoire) : un pays de 50 millions d’habitants avec une histoire riche, une cuisine délicieuse, des mégalopoles, la mer, des îles, des montagnes…

Ressources

Je ne peux malheureusement pas recommander le cours de Duolingo : depuis qu’ils ont eu l’idée géniale de supprimer les explications, le cours est impossible sans connaissances préalables. J’ai surtout utilisé les ressources suivantes :

  • Le Coréen de chez Assimil, assez bien fait avec des explications bien fournies, même si la difficulté est assez élevée dans certaines leçons (j’en suis à la deuxième moitié).
  • Le site How to study Korean, qui a des leçons progressives avec des explications détaillées (en anglais mais certaines sont traduits en français).
  • Sur YouTube : Learn Korean with GO! Billy Korean, un Américain qui parle très bien coréen et qui a entre autres un cours pour débutants (en anglais aussi).

  1. La forme de base des verbes se termine par -da. Ce n’est pas un infinitif, mais en fait je ne sais toujours pas dans quel cas de figure on peut utiliser cette forme… ↩︎

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