Mots difficiles à traduire

Vous avez sûrement déjà vu ces articles : « 10 mots d’autres langues qui sont intraduisibles » (et accompagnés d’une traduction). C’est parfois intéressant, mais ces listes comportent souvent des mots douteux voire inexistants, ou elles essaient de donner une signification culturelle profonde à des mots banals.

Voyez par exemple cet article en anglais sur des mots français intraduisibles : il mentionne aussi bien « dépaysement » et « flâneur », qui n’ont visiblement pas d’équivalent en anglais (et en donnant un sens un peu mystique à ce dernier), que « seigneur-terrace », un mot qu’absolument aucun francophone ne connaît, même en orthographiant correctement « terrasse ».

Mais je ne peux pas résister à la tentation de faire ma propre liste de mots intéressants sans équivalent direct en français que j’ai trouvés en apprenant diverses langues. Certains sont difficiles à traduire parce qu’ils peuvent avoir plusieurs équivalents selon le contexte, d’autres sont parfaitement traduisibles mais en plusieurs mots, et pour d’autres encore, il existe bien un équivalent français, mais c’est un mot rare ou peu connu des francophones (ou c’est peut-être juste moi qui ne le connais pas).

Anglais

Pattern

C’est un mot particulièrement utilisé en informatique (mais pas seulement) et qui n’est pas toujours facile à traduire : parfois, « motif », « modèle » ou « schéma » convient très bien, mais souvent, il est difficile de trouver une traduction satisfaisante, si bien qu’on peut voir le mot pattern utilisé tel quel dans des textes français.

Dumpling

Un terme générique pour des plats faits d’une pâte farcie ou non. Je ne connais pas de bon équivalent français, et quand on veut expliquer ce que sont les pierogi, les khinkali ou les pelmeni, on se retrouve à parler de « genres de raviolis ».

Creepy

Un adjectif qui exprime une combinaison d’« effrayant », « un peu bizarre » et « qui met mal à l’aise ». Il peut s’appliquer à une situation ou une personne. Je l’ai déjà vu traduit par « glauque » (pour une situation), mais j’aime bien le mot « malaisant » pour qualifier un comportement.

Ce mot est dérivé de creep : un verbe qui signifie « ramper » ou « se faufiler », mais aussi un nom qui désigne, entre autres choses, une personne qui met mal à l’aise, tout aussi difficile à traduire (selon les cas : tordu, pervers, mec bizarre, sale type…).

Cringy

Un autre petit adjectif très pratique. Je l’ai trouvé aussi traduit par « malaisant », mais ce serait plutôt « gênant » ou « embarrassant », comme la gêne que l’on ressent en voyant quelqu’un faire quelque chose de ridicule.

Ce mot vient du verbe cringe, que j’ai vu traduit comme « avoir un mouvement de recul » et « ramper (devant quelqu’un) ».

Polonais

Tulipan

Ça veut bien sûr dire « tulipe », mais c’est aussi le nom très poétique qui désigne une bouteille en verre brisée et utilisée comme arme. Existe aussi en russe, mais avec une autre fleur : ро́зочка (rózočka), « petite rose ».

Korposzczur

Littéralement : « corpo-rat », c’est un terme péjoratif pour désigner un employé de corporation qui passe sa vie au bureau. Je ne connais pas d’expression équivalente en français, mais les Slovaques disent « rat de bureau » (kancelárska krysa) et les Russes « plancton de bureau » (офисный планктон, ófisnyj planktón). En anglais, il existe une expression similaire : rat race (course de rats).

Suchar

Ça veut dire « biscotte », mais ça désigne aussi une blague pas drôle, qui repose souvent sur un jeu de mots un peu nul.

Zakalec

Une partie de gâteau, voire un gâteau entier raté parce qu’il n’est pas assez cuit ou que la pâte n’a pas assez levé. Il y a même un article sur Wikipédia en polonais, pour l’instant sans équivalent dans d’autres langues.

Slovaque

Bublifuk

Un jouet pour faire des bulles de savon (dérivé de bublina, « bulle » et fúkať, « souffler »). Quand j’ai appris ce mot, je me suis longtemps cassé la tête parce que je n’arrivais pas à me rappeler le nom français de cet objet, et après avoir demandé à plusieurs personnes, j’ai finalement dû arriver à la conclusion que le nom français usuel est « le truc pour faire des bulles ».

Ozývať sa / ozvať sa

« Se faire entendre », mais aussi selon les cas : « donner de ses nouvelles », « se manifester », « répondre ». Par exemple : Ozvi sa, keď prídeš (Tiens-moi au courant quand tu arriveras). Už týždeň sa neozýva (Ça fait une semaine qu’il ne répond pas / qu’il ne donne pas de signe de vie).

Existe aussi en polonais (odezwać się / odzywać się), et je crois qu’en allemand, on peut utiliser sich melden dans ce sens.

Náplň

Ça peut se traduire par « contenu » ou « recharge », mais dans un contexte culinaire, ça désigne un aliment avec lequel on remplit un autre. En général, on peut le traduire par une tournure du type « fourré à » (sušienky s čokoládovou náplňou : biscuits fourrés au chocolat), mais le mot lui-même n’est pas facile à traduire. Je ne connais pas de terme aussi générique en français : « farce » m’évoque de la viande, ou au moins quelque chose de salé, et la garniture va plutôt à côté du plat que dedans.

L’anglais a un équivalent (filling), le russe aussi (начинка, načínka).

Russe

Баян (baján)

C’est un type d’accordéon russe, apparemment appelé bayan en français. Mais il a un sens argotique utilisé sur Internet : une blague pas drôle parce que tout le monde l’a déjà vue dix mille fois. Ce sens provient d’une blague : « Хоронили тёщу — порвали два баяна » (« On a enterré ma belle-mère, on a déchiré deux accordéons »). Il y a même un smiley correspondant : [:|||||||||:].

Яжмать (jažmátʹ)

C’est un autre néologisme argotique : contraction de я же мать (ja že matʹ : « mais enfin, je suis une mère »), il désigne une femme qui se croit tout permis parce qu’elle a un enfant.

Dans le même genre, жеребёнок (žerebjónok), qui veut dire normalement « poulain », peut être utilisé pour un enfant mal élevé : он же ребёнок (on že rebjónok : « mais enfin, c’est un enfant ») se prononce en effet comme он жеребёнок (on žerebjónok : « c’est un poulain »).

Le polonais a un équivalent : madka, déformation orthographique de matka (mère). Et son enfant s’appelle bombelek, déformation orthographique de bąbelek, un terme affectueux qui est à la base un diminutif de bąbel (bulle).

Кума (kumá)

« Personne qui est la marraine d’un même enfant, du point de vue du parrain, du père et de mère de l’enfant. » En fait, il existe un mot français pour ça : commère (j’ai même copié-collé sa définition depuis le Wiktionnaire), mais c’est un sens vieilli que je ne connaissais pas.

L’équivalent masculin est кум (kum) – traduisible en français par « compère », mais là aussi, ce sens est désuet. Ces deux mots ont la même racine que кумовство (kumovstvó), qui veut dire « népotisme ».

Форточка (fórtočka)

Parfois, un mot est difficile à traduire parce qu’il désigne quelque chose qui est courant dans un pays mais pas dans un autre. Ici, il est question d’une petite fenêtre en haut d’une fenêtre qui sert à aérer. Il y en a partout en Russie, mais je n’ai jamais rien vu de semblable en France (on entrouvre juste la fenêtre).

Зелёнка (zeljónka)

Il s’agit d’un colorant vert couramment utilisé en Russie comme antiseptique et, occasionnellement, pour balancer dans les yeux des opposants politiques. Je ne pense pas qu’il soit utilisé en France, et je ne sais même pas comment il s’appelle en français. J’ai bien trouvé « vert d’éthylène » dans un dictionnaire, mais ce terme n’a pas l’air très utilisé et je ne m’y connais pas assez en chimie pour savoir si c’est correct.

Faciles à traduire, mais en plusieurs mots

Pour finir, dans les mots sans équivalent direct, quelques uns sont faciles à traduire, mais il faut juste utiliser plusieurs mots.

  • Presadnúť si (slovaque) : changer de place (assise).
  • Odsadnúť si (slovaque) : aller s’asseoir ailleurs.
  • Icicle (anglais), cencúľ (slovaque), сосулька (sosúl’ka, russe), sopel (polonais)1 et sûrement plein d’autres langues : stalactite de glace. (Apparemment appeléee « glaçon » au Québec, mais pour moi un glaçon c’est un cube de glace.)
  • Bułka (polonais), булка (búlka, russe), žemľa (slovaque), Brötchen, Semmel et des tonnes de variantes régionales (allemand) : petit pain. Je trouve intéressant qu’on n’ait pas de mot spécifique pour ça en français.
  • Doba (polonais), сутки (sútki, russe) : période de vingt-quatre heures. Moins ambigu que « jour » en français, qui désigne aussi le moment où il ne fait pas nuit. Bon, on a bien « nycthémère », mais il est assez rarement utilisé.
  • Mlaskać (polonais), smack (anglais) : faire des bruits de bouche.
  • Sit up (anglais) : s’asseoir depuis une position allongée, qu’on traduira plus simplement par « se redresser ».
  1. Sopel est rigolo, parce qu’en slovaque, sopeľ veut dire « morve ».

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