Rencontre polyglotte à Berlin

Du 1er au 4 mai, j’étais à Berlin pour une rencontre de polyglottes (Polyglot Gathering). J’y suis allé avec mon patron (ça fait bizarre de l’appeler patron mais je ne vois pas vraiment d’autre mot), en partie pour présenter notre association, mais aussi pour s’amuser.

Plus de 300 amateurs de langues du monde entier se sont réunis dans un hôtel à Berlin pour parler de langues et en plein de langues. J’ai pu parler avec plein de gens dans toutes les langues que je connais (plus ou moins bien) : le français, l’espéranto, l’anglais, le slovaque, le russe et l’allemand. J’ai été ravi de constater que je pouvais assez bien discuter en russe, mais l’état de mon allemand était encore pire que ce que je pensais. Plusieurs personnes ont dit à propos de mon accent dans plusieurs langues « Je n’aurais pas deviné que tu es français. » Je suppose que c’est un compliment.

Je parle — en utilisant une définition généreuse de « parler une langue » — seulement six langues (oui, cette rencontre est vraiment un endroit où on peut dire « Je parle seulement six langues » !), mais beaucoup de participants en parlaient plus, certains une douzaine. J’ai beaucoup apprécié d’être entouré par d’autres dingues avec lesquels on peut changer de langue plusieurs fois en pleine conversation et pour qui des mots comme « morphologie » sont parfaitement normaux.

La langue principale était l’anglais, la seule que comprenaient tous les participants. Mais la plupart des participants parlaient aussi français, espagnol ou allemand, et d’autres langues répandues étaient l’italien, le portugais, le russe et, fait étonnant, l’espéranto, parlé par au moins un quart des gens présents. J’ai vu à cette rencontre beaucoup d’espérantophones connus (et aussi inconnus) et j’ai été surpris de voir que l’opinion générale semblait positive. Beaucoup de gens se sont intéressés à l’espéranto (donc j’ai fait de la pub — pas trop, j’espère — pour SES), et nous avons rapidement vendu tous les exemplaires en allemand, français et anglais de L’Espéranto par la méthode directe.

La rencontre, en fait, a été inventée par des espérantistes qui voulaient transmettre l’ambiance des rencontres d’espéranto au « monde extérieur ». La moitié des organisateurs parlait espéranto, et l’atmosphère générale de la rencontre ressemblait pas mal à celle des rencontres de jeunes espérantistes. On a même eu droit à un concert en une vingtaine de langues de JoMo, une star en Espérantie (que j’ai déjà vu en concert un certain nombre de fois) mais inconnu des autres participants. Tout le monde semble avoir apprécié le concert.

Nous n’avons pas fait que discuter et nous amuser : il y avait plein de conférences au programme. J’ai moi-même fait une présentation d’une heure sur le slovaque parce que je pouvais en parler du point de vue d’un étranger qui l’apprend. J’étais un peu nerveux parce que je ne suis pas très doué pour parler devant un public et que je ne l’avais jamais vraiment fait en anglais, mais en fait ça s’est bien passé et les gens ont apparemment apprécié ma conférence. Pour remercier tous ceux qui ont donné une conférence, les organisateurs nous ont invités à un dîner avec de la nourriture éthiopienne.

Il y avait des conférences sur des langues en particulier, l’apprentissage des langues ou les langues en général. La liste pourrait être bien plus longue, mais parmi les conférences intéressantes auxquelles j’ai assisté, je peux citer :

  • Le same du Nord, une langue belle et intéressante du Nord de la Scandinavie et de la Finlande, mais malheureusement en danger. À la rencontre polyglotte, il y avait deux personnes qui le parlaient, dont une des très rares personnes qui ne viennent pas d’un pays nordique à l’avoir appris comme langue étrangère.
  • Le dialecte milanais, une variante du lombard parlée à Milan et dans les environs. Lui aussi est malheureusement menacé d’extinction, et il a des caractéristiques grammaticales intéressantes. Je suis allé à la conférence en supposant qu’elle serait en anglais, mais en fait elle était en italien, langue dont je ne connais que quelques bases. J’ai été très surpris : j’ai compris 90 % de la conférence.
  • Le gotlandais, une petite langue parlée à Gotland, une île de Suède. Il est souvent qualifié de dialecte, mais il est incompréhensible pour les autres Suédois.
  • Il y a aussi eu une conférence intéressante sur les langues d’Amérique du Nord. Certaines d’entre elles ont une grammaire ou une prononciation incroyablement compliquée (quand ce n’est pas les deux à la fois).
  • Une interprète slovaque a donné une conférence très intéressante sur son travail. Elle a ensuite proposé des exercices que font les étudiants en interprétation. Le plus difficile a été de lire un texte dans une langue tout en écoutant un discours dans une autre langue (pour s’entraîner à se concentrer sur deux choses à la fois) : je ne me rappelais presque rien du texte que j’avais lu.

J’ai aussi bien aimé la projection du court-métrage The Hyperglot. Si vous avez l’occasion de l’acheter, je vous le recommande. L’acteur principal du film a d’ailleurs participé à la conférence. Le dernier soir était la soirée internationale, lors de laquelle les gens pouvaient présenter ce qu’ils voulaient. Les gens ont surtout chanté : j’ai pu entendre de l’opéra, des chansons en klingon, une belle interprétation d’une chanson de Jacques Brel, et à la fin nous avons chanté Frères Jacques en 29 langues.

Avec un programme aussi riche et autant de gens intéressants, j’ai à peine eu le temps de visiter la ville (à Berlin, je ne connaissais que la gare centrale). Je n’ai trouvé le temps d’aller voir la porte de Brandebourg que la dernière nuit.

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Les quatre jours sont vite passés et j’attends déjà la rencontre de l’année prochaine (il y aura une conférence polyglotte à New York en automne, mais c’est un peu loin pour moi). Je recommande vivement cette rencontre à tous ceux qui s’intéressent aux langues, que vous en parliez 12, « seulement » 6 ou même une seule.

(Cet article est une traduction/adaptation d’un article que j’avais écrit en espéranto en mai.)

 

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